Tribune libre : OUI LE SAMBISME FAIT PEUR

Il faut véritablement se faire violence, mobiliser toute sa retenue et faire preuve de sang-froid pour ne pas laisser éclater sa colère et son indignation face au culot, au mépris et à l'arrogance de Ahmed Saïd Jaffar, dans Albalad n° 689 du 02 février 2012. L'ancien ministre des relations extérieures puis Directeur de Cabinet, chargé de la Défense du Président Sambi a perdu une occasion de se taire. Des plumes plus aiguës, bien acérées et plus percutantes pourraient l'accuser de naïveté primaire et d'aveuglement maladif. Je m'abstiendrai de le faire parce que son état d'esprit dévoile une situation plus préoccupante pour notre pays. Par son propos, il ouvre des plaies difficilement cicatrisables. Il met au goût du jour des comportements que l'on aurait voulu ne plus revoir. Il plébiscite un homme qui gagnerait à se faire oublier. Il braque le projecteur sur une gouvernance qui s'est discréditée tant elle a bafoué la constitution, humilié le peuple comorien, piétiné l'ossature de la réconciliation nationale, bradé le pays à petit prix, livré notre souveraineté à des vautours, détourné l'esprit de notre religion, dilapidé l'argent public et s'est battu bec et ongles pour s'ankyloser au pouvoir.

PLAIDOYER MISÉRABLE

Arrêtons la démagogie ! Cessons d'infantiliser les Comoriens et parlons franchement. A quels faits se réfère Ahmed Ben Said Jaffar pour badigeonner le régime Sambi de vertus démocratiques, de respect du peuple, de loyauté envers le comorien ? Pourquoi dans son, parce que superficiel, mensonger et grotesque, fait-il de la provocation ? Où est cette population comorienne qui «  continue à accorder à l'ancien Chef de l'Etat un capital de confiance » ? Lui et nous, apparemment, nous ne rencontrons pas les mêmes comoriens. Lui et nous, sûrement, nous ne regardons pas la gestion du Président Sambi avec les mêmes lunettes.

LA SAUVEGARDE DE L'HÉRITAGE DU PRÉSIDENT SAMBI N'EST PAS LA RAISON DE LA CRÉATION DU PARTI

Quand il accuse « ces éternels chantres de la politique politicienne qui n'ont d'autres objectifs que de se servir et non de servir les autres », il parle un peu trop vite et il le sait. Je connais des fonctionnaires ordinaires, hier encore abattus par un quotidien sans pitié et qui, au sortir de la gouvernance Sambi, ont un patrimoine colossal que leurs seuls revenus ne pourraient jamais leur permettre. Alors, servir le peuple ne relève pas du slogan et de l'incantation ! L'histoire est têtue. Elle ne se laisse jamais dénaturer impunément surtout quand le temps et l'espace s'affirment en témoins incorruptibles. La création du Parti sambiste est un fait ordinaire. Le moment et l'opportunité le sont moins. Il s'agit ni plus ni moins que de bâtir une citadelle pour des personnes paniquées. En vérité, dès le 26 mai 2011, les sambistes ont tenté de noyauter le nouveau pouvoir.

Malgré les génuflexions d'abord, les menaces, les chantages et les vociférations plus ou moins publiques, ensuite, ils n'ont jamais pu pénétrer son noyau ni contaminer son ADN. L'autre jour, ils ont tapé des pieds et des mains pour se débarrasser du Directeur de Cabinet du Président, sans aucun résultat. Alors, ils ont compris qu'ils étaient fragiles, qu'ils ne pesaient pas. D'acteurs, ils sont devenus spectateurs et commentateurs grognons d'un pouvoir qui leur a échappé. Ils ont pris peur. Ils doutent du Président. Ils ne le comprennent pas. La lutte contre la corruption les inquiète. On peut leur demander des comptes.

MONTANTS COLOSSAUX

A combien de personnes a été vendu la nationalité comorienne ? Pour quel montant ? Où est passé l'argent du projet habitat ? Qu'en est-il de l'hôtel Galawa, détruit sciemment ? Où sont passés ces montants colossaux que le Président Sambi annonçait à chaque fois avoir reçu des pays arabes et qui n'ont jamais figuré au budget de l'Etat ? Peut-on expliquer l'origine des fonds qui ont servi à certains pour s'acheter des appartements à l'étranger ? Qu'en est-il de la gestion calamiteuse des sociétés d'Etat ? Où en est-t-on du matériel de télémédecine offert par l'Inde et disparu à El-Maarouf ? Pour quelles raisons a-t-on facilité l'expulsion des Comoriens de Mayotte ? Pourquoi a-t-on aidé à l'accélération de l'évolution institutionnelle de Mayotte ? Pourquoi l'entrée des Comoriens en Egypte est-elle devenue difficile ? Pourquoi, le Président Sambi a révisé en mai 2009 la constitution des îles alors que la constitution de l'Union de 2001 le lui interdit ? Pourquoi a-t-il révisé l'autonomie des îles alors qu'elle est protégée de toute révision par l'article 37 alinéa 2 de la constitution de l'Union de 2001 ? Sous quel pouvoir, un officier supérieur de l'armée a été froidement assassiné dans des conditions obscures, pour ne plus savoir plus d'un an déjà ni le motif ni le ou les auteurs ?

POURQUOI PARLER D'HÉRITAGE?

Des questions parmi tant d'autres. Pour se protéger et croire ne plus avoir à répondre à ces questions, il fallait alors créer un parti politique. Il sera un pare-feu, un bouclier pour faire face à l'adversité. La sauvegarde de l'héritage du Président Sambi n'est pas la raison de la création du parti. D'ailleurs, pourquoi parler d'héritage ? L'homme au turban n'a pas passé la main. Le pouvoir, il en veut toujours. Sa longue marche pour la reconquête de Beit-Salaam a déjà commencé....dès le 26 mai 2011.

Alors, si le sambisme, ce sont les faits et gestes de l'ancien Président, ses orientations politiques et idéologiques, sa conception de la politique et des institutions, sa pratique de la gouvernance et sa relation avec la loi, l'idée qu'il se fait de l'homme et du citoyen, oui ! Nous avons peur du sambisme, mais une peur qui oblige à se battre pour que le sambisme ne passe plus jamais.

Ambassadeur Ahamada Hamadi